Friday, 6 June 2025
Cinq mythes sur la transformation numérique industrielle

Dans un contexte économique marqué par l’inflation et les tensions commerciales, les entreprises manufacturières sont contraintes de repenser leurs stratégies de productivité. Pourtant, de nombreux mythes persistent autour de la transformation numérique, retardant des décisions cruciales pour leur compétitivité. Les experts de Talan, qui aident les organisations à relever leurs défis opérationnels, déconstruisent ces idées reçues.
Mythe n°1 : Il faut attendre le retour à la normale avant d’investir dans la transformation numérique
Réalité : L’attente d’un hypothétique retour à la normale sur le plan économique est l’un des pièges les plus dangereux pour les entreprises industrielles. « Les entreprises qui ont choisi de continuer à investir pendant la pandémie sont aujourd’hui mieux positionnées que celles qui ont suspendu leurs projets », observe Josiane Roger, directrice principale SAP Innovation et EPMO. Cette réalité s’applique particulièrement au contexte actuel de tensions commerciales. »
Jérome Thirion, vice-président exécutif, services-conseils opérations et chaine d’approvisionnement, ajoute : « L’idée même d’un retour à la normale est dépassée. Les historiques de ventes ne sont plus autant des indicateurs fiables pour la planification. Les entreprises doivent s’adapter en temps réel à une demande volatile et à un environnement en mutation constante. »
Le fait est que les entreprises québécoises accusent déjà un certain retard technologique par rapport à leurs voisines ontariennes ou américaines. Ce retard représente un risque concurrentiel immédiat, surtout dans un contexte où les politiques tarifaires exacerbent les pressions sur la productivité.
À retenir : Investir maintenant dans la productivité est une initiative « sans regret » : peu importe l’issue des incertitudes à venir, ce type d’investissement demeure toujours pertinent et profitable.
Mythe n°2 : La transformation numérique nécessite des projets longs et coûteux
Réalité : Contrairement aux idées reçues, les approches les plus efficaces en matière de transformation numérique sont souvent progressives et ciblées.
« Nous recommandons une approche MVP [Minimum Viable Product], explique Josiane Roger. Cette méthode consiste à démarrer avec un projet ciblé, mais à forte valeur ajoutée, afin de limiter les risques tout en générant rapidement des bénéfices tangibles. »
Jérôme Thirion précise : « L’objectif reste de livrer rapidement pour rassurer les parties prenantes et bâtir la confiance autour de la transformation. Les projets à long terme, de 18 mois ou plus, sont dépassés : les entreprises exigent des résultats concrets à court terme. »
Cette approche offre également l’avantage de faciliter l’engagement progressif des équipes internes, déjà très sollicitées par leurs activités quotidiennes.
À retenir : Les projets bien structurés peuvent commencer à produire un retour sur investissement en trois à six mois, avec des gains de performance souvent situés entre 15 % et 30 %.
Mythe n°3 : La transformation numérique est avant tout une question de technologie
Réalité : La transformation numérique est d’abord un projet d’affaires, et non un déploiement technologique.
« Les entreprises doivent d’abord identifier clairement les enjeux d’affaires à solutionner, insiste Jérôme Thirion. Une fois ces priorités définies, elles peuvent établir une feuille de route sur 12 à 24 mois pour guider les itérations successives. »
L’un des pièges est de se concentrer sur des gains ponctuels déconnectés de la stratégie globale, ce qui peut conduire à une complexité accrue et des difficultés d’intégration par la suite.
Josiane Roger souligne que les transformations réussies adoptent une logique de processus transversaux. « Il faut briser les silos fonctionnels typiques des entreprises – marketing, ventes, finance, etc. – et adopter une vision qui dépasse les cloisonnements traditionnels. »
À retenir : Une transformation numérique efficace commence par une réflexion stratégique sur les enjeux d’affaires, avant même d’envisager les solutions technologiques.
Mythe n°4 : L’intelligence artificielle résout tous les problèmes de productivité
Réalité : Si l’intelligence artificielle (IA) promet des gains de productivité spectaculaires, son efficacité dépend directement de la qualité des données disponibles.
« Aussi attrayantes que soient les technologies d’intelligence artificielle, elles ne donnent de bons résultats que si les données sont fiables », souligne Jérôme Thirion. Il est essentiel de s’assurer en amont de l’intégrité des données, car des décisions basées sur de mauvaises informations peuvent être dommageables. »
Cette phase de structuration des données, moins spectaculaire, mais fondamentale, est souvent négligée.
« L’IA peut augmenter la productivité et soulager les employés de tâches répétitives, mais elle ne fait pas de miracles, ajoute Josiane Roger. Sans un travail préalable rigoureux sur la qualité des données, les résultats seront décevants. »
À retenir : Avant d’investir dans des technologies avancées d’IA, assurez-vous d’avoir mis en place les fondations nécessaires en matière de gestion et de qualité des données.
Mythe n°5 : Les PME n’ont pas les moyens de se lancer dans la transformation numérique
Réalité : Le virage n’est pas réservé aux grandes entreprises disposant de budgets conséquents.
« Les PME peuvent souvent bénéficier de programmes d’aide, et elles ont l’avantage de l’agilité : elles peuvent s’adapter plus vite que les grandes structures », explique Jérôme Thirion.
Des exemples concrets de transformations à impact immédiat sont nombreux et accessibles aux entreprises de toute taille :
- L’automatisation de la facturation par reconnaissance optique de caractères (OCR), qui peut réduire de 80 % la proportion de factures nécessitant un traitement manuel.
- L’optimisation des processus d’approbation des paiements permet de bénéficier d’économies auprès des fournisseurs en payant plus rapidement.
- L’amélioration des systèmes de confirmation de commande réduit les délais de réponse aux clients et augmente leur satisfaction.
À retenir : Des progrès significatifs peuvent être réalisés rapidement, même à petite échelle et avec des budgets limités, à condition d’identifier les points d’intervention les plus stratégiques.